Témoignage : comment le Liban en est-il arrivé là?

Joaquim est volontaire chez Viva Salud et s’est déjà rendu à trois reprises au Liban dans le cadre de voyages de solidarité. Il y a rencontré notre partenaire Human Call, avec lequel il a visité le camp de réfugiés palestinien de Ain al-Helweh. Aujourd’hui, il prend la plume pour nous parler de ce Liban cher à son cœur et pour faire appel à la solidarité internationale.

Le Liban est un superbe pays cher à mon cœur, je l’ai visité à trois reprises. Comment ce magnifique pays en est-il arrivé-là? Que peut-on faire pour aider les libanais.e.s victimes de l’explosion du 4 août?

Sur les côtes méditerranéennes et sur les cimes de la chaîne du Mont Liban dans la vallée de la Bekaa, vivent depuis des centaines d’années des familles, des paysan.ne.s, des résistant.e.s, des poètes, des musicien.ne.s, des marins. Dans ce petit pays (un peu plus petit que la Flandre) habitent 5,5 millions d’habitant.e.s, dont une grande partie de réfugié.e.s palestinien.e.s et syrien.ne.s.

Depuis son indépendance, le Liban sera constamment victime de conflits internes et extérieurs.

Le Liban est détaché de la Syrie et occupé entre 1919 et 1943 par la France. La puissance coloniale française va s’attacher à diviser la population libanaise en groupes religieux. Héritage colonial, au Liban, on ne peut voter que pour un parti politique attaché à sa catégorie religieuse. C’est l’un des systèmes électoraux les plus clivants et anti-démocratiques au monde.

Photo: Wikimedia

Depuis son indépendance, le Liban sera constamment victime de conflits internes et extérieurs. Une longue guerre civile va ravager le pays entre 1975 et 1990. Israël a envahi et occupé le Sud Liban entre 1978 et 2000. L’armé israélienne a envahi et bombardé le Liban en été 2006. Plusieurs fois, elle a bombardé sa capitale, Beyrouth.

Outre les ravages des conflits armés, la population libanaise souffre aujourd’hui d’un système économique ultra libéral. Le pays produit très peu, il importe presque toute sa nourriture, alors que le Liban est l’un des pays plus riche en eau dans la région.

Dans ce petit pays, les inégalités sociales sont énormes. 1% des Libanais détient 30% des richesses. 50% des libanais doivent se partager 10%.

Le Liban est étranglé par la dette de l’état envers les banques libanaises comme la BLOM Bank ou Audi. Cette dette s’élève à 92 milliards de dollars. 170% du PIB. Plus de la moitié du budget de l’état est consacré à rembourser cette dette. Il en résulte qu’il n’y a aucun investissement dans les services à la population. L’enseignement, la santé, les loisirs sont privatisés et réservés au plus riches.

Dans ce petit pays, les inégalités sociales sont énormes. 1% des Libanais détient 30% des richesses. 50% des libanais doivent se partager 10%. Pour renflouer les caisses, l’état taxe la consommation des familles déjà en grande difficulté. C’est d’ailleurs une nouvelle taxe sur les messages via WhatsApp qui a servit d’étincelle au soulèvement populaire de l’automne 2019.

Aujourd’hui, la crise sanitaire liée au COVID a encore aggravé la situation. Plus de la moitié de la population souffre de faim ou de malnutrition. Le litre de lait atteint parfois 8 euros. Afin de sortir de la crise et d’obtenir une nouvelle aide du Fonds Monétaire International, le gouvernement prévoit de réduire encore les dépense publiques!

La terrible catastrophe du 4 août est symptomatique du désintérêt de l’État pour les Libanais.e.s.

En 2013, un bateau affrété par un grosse fortune russe et transportant un produit extrêmement dangereux (du nitrate d’ammonium) à destination du Mozambique fait une escale urgente dans le port de Beyrouth. Il est immobilisé par les autorités douanière. La cargaison est déchargée. Depuis 2014, à six reprises, les douanes libanaises auraient signifié au gouvernement qu’il fallait rapidement traiter et neutraliser cette dangereuse cargaison. Rien n’a été fait. Et malheureusement, l’explosion du 4 août en est une tragique conséquence.

Human Call accueille tout le monde, peu importe son origine, sa communauté ou sa religion. Ils font un travail extraordinaire avec peu de moyens.

Face à cette catastrophe de grande ampleure, il est urgent de venir en aide au Liban, notamment via l’ONG belge Viva Salud qui récolte des fonds pour son partenaire libanais : Human Call. J’ai eu l’immense chance de les rencontrer lors d’un de mes séjours au Liban. Cette organisation de santé soigne ceux et celles qui ne peuvent se permettre de payer des soins de santé privés, financièrement inaccessibles pour une grande partie des habitant.e.s du Liban.

Human Call travaille dans plusieurs camps de réfugiés palestiniens et possède un hôpital dans l’un des plus grands camps, celui de Ain al-Helweh. Human Call y accueille tout le monde, peu importe son origine, sa communauté ou sa religion. Ils font un travail extraordinaire avec peu de moyens. Le 4 août, Human Call n’a pas hésité une seconde à se rendre à Beyrouth pour prendre soin des blessé.e.s, aider au déblaiement des maisons effondrées pour trouver des survivant.e.s, prendre soin des volontaires qui se blessaient à leur tour avec les gravas. Ils ont tous mon soutien et j’espère qu’ils auront aussi le vôtre.

Au delà des réformes urgentes, le Liban me prouve une nouvelle fois la violence économique, écologique et politique de ce système.

Tout mon soutien également à la résistance libanaise qui réclame des réformes profondes et urgentes : Un système politique non confessionnel, l’annulation de la dette publique, la taxation des grosses fortunes, des investissements massifs dans les secteurs publiques et productifs.

Au delà des réformes urgentes, le Liban me prouve une nouvelle fois la violence économique, écologique et politique de ce système. Il me renforce dans ma conviction que nous devons agir ici et là-bas pour nous débarrasser du capitalisme. Mettre en commun les richesses, les répartir équitablement et de préserver notre belle planète, notamment cette magnifique région, Balad al-Sham, berceau de tant de belles histoires, de courage, de tendresse, de paysages magnifiques, de musique et de poèmes sublimes.

#OnlyFightersWin