La charité ne nous mènera pas loin

La charité ne vous mènera pas loin

Le gouvernement belge veut améliorer l’accès mondial aux vaccins par une stratégie de charité. Mais selon 24 organisations belges (voir plus bas), cela ne sera pas suffisant.

Lundi 27 septembre, la ministre de la coopération au développement Meryame Kitir s’est rendue à l’aéroport de Liège pour saluer le départ d’une cargaison de vaccins contre le coronavirus, destinés aux pays à faible revenu par le biais du mécanisme COVAX. L’initiative est compréhensible, dans son rôle de ministre de la coopération au développement, mais elle ne changera pas l’apartheid mondial en matière de vaccins. Tout comme la faible résolution votée par la majorité Vivaldi au Parlement fédéral le 23 septembre. La charité et la langue de bois sont au premier plan de la stratégie de notre gouvernement. Toutefois, cela ne nous aidera pas à surmonter la pandémie.

Le fossé entre les nanti·e·s et les démuni·e·s reste énorme. Dans les 29 pays les plus pauvres, où vit environ 9% de la population mondiale, à peine 0,3% du nombre total de vaccins a été acheminé. Sur l’ensemble du continent africain, moins de 4 % de la population a été vaccinée deux fois. La campagne mondiale de vaccination est donc un échec sur toute la ligne.

Le coronavirus a le champ libre

Chaque jour, entre 6 000 et 10 000 personnes dans le monde perdent encore la vie à cause de la Covid-19. L’Organisation mondiale de la santé surveille actuellement six variants différents du virus. Ces derniers pourraient aussi poser de graves problèmes. Dans un sondage international réalisé au début de l’année, deux tiers des virologues interrogé·e·s ont averti que les vaccins actuels ne protégeront pas contre les nouvelles mutations du virus surgissant dans l’année à venir. On ne peut pas comprendre ce chiffre autrement que comme un avertissement clair de la nécessité urgente de maîtriser rapidement la pandémie dans le monde.

Notre gouvernement et les dirigeant·e·s d’autres pays riches prétendent poursuivre cet objectif. Lors de l’Assemblée générale des Nations unies, les déclarations prometteuses se sont enchaînées. Le 24 septembre, le président américain Joe Biden s’est présenté comme un bienfaiteur sur la scène mondiale, promettant 500 millions de vaccins supplémentaires pour accélérer la campagne de vaccination mondiale. Notre Premier ministre, Alexander De Croo, a quant à lui déclaré que la solidarité vaccinale est une condition essentielle pour vaincre la pandémie. Mais soyons honnêtes. Un don de 4 millions de vaccins n’est qu’une goutte dans l’océan à l’échelle mondiale.

Trop peu, trop tard

C’est surtout trop peu, trop tard. De plus, cette promesse n’est pas très crédible : la grande majorité des promesses de dons précédentes n’a pas encore été tenue. À peine 15 % du milliard de doses que les pays à haut revenu ont promis de donner sont arrivées en Afrique. COVAX, le mécanisme qui vise à vacciner cette année le personnel de santé et les groupes vulnérables dans les pays à faible revenu, est à un demi-milliard de vaccins de moins que son objectif, déjà modeste. Pire encore, l’UE importe plus de vaccins d’Afrique en termes nets qu’elle n’en donne. En effet, des recherches menées par le New York Times montrent que Johnson & Johnson a fait pression sur le gouvernement sud-africain pour qu’il exporte des vaccins vers l’UE.

Une mine d’or pour Big Pharma, un désastre de santé publique

Pendant ce temps, le modèle de profit de l’industrie pharmaceutique reste intact. Pendant que les dirigeants des pays riches faisaient de belles déclarations sur la solidarité internationale, les grandes entreprises pharmaceutiques voyaient leurs chiffres d’affaires atteindre des sommets historiques. Grâce à leur monopole sur les vaccins contre le coronavirus, dont le développement a été soutenu par 100 milliards de dollars de l’argent des contribuables de différents pays, Moderna, Pfizer et BioNTech ont réalisé plus de 26 milliards de dollars de ventes au premier semestre 2021. Pour Moderna et BioNTech, les deux tiers de ce montant sont des bénéfices purs. Selon la People’s Vaccine Alliance, au moins neuf personnes sont devenues milliardaires grâce aux énormes profits de l’industrie pharmaceutique depuis le début de la pandémie.

Ainsi, le modèle commercial de Big Pharma – recevoir des milliards d’euros de fonds publics, pratiquer des prix exorbitants pour des médicaments qui sauvent des vies et payer peu d’impôts – est une mine d’or pour les investisseurs, les investisseuses et les dirigeant·e·s d’entreprise. Mais un désastre pour la santé publique mondiale. Il plonge certaines régions d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie dans de nouvelles crises, pousse les systèmes de santé affaiblis au bord de l’effondrement et provoque des dizaines de milliers de décès évitables chaque semaine. Selon Amnesty International, Big Pharma alimente une crise des droits humains sans précédent. Il est donc urgent d’adopter une approche différente. Les fausses promesses et la charité n’ont pas leur place ici.

Mettre le vaccin dans les mains du public

Lors de l’Assemblée générale des Nations unies, le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a été clair sur la première étape. Selon lui, “nous devons résoudre les goulots d’étranglement dans la production et la distribution des vaccins, notamment par une exemption temporaire des brevets sur les vaccins corona”. Notre gouvernement devrait soutenir cet appel en Europe et rejoindre la centaine de pays qui préconisent la dérogation ADPIC.

Par le biais de l’initiative citoyenne européenne “Pas de profit sur la pandémie”, 31 000 Belges demandent déjà que les vaccins Corona soient mis à la disposition du public. Ensuite, nous devons travailler sur le transfert de connaissances et de technologies. De cette façon, nous augmentons rapidement la production de vaccins. Et à long terme, nous renforçons le développement des installations de production locales dans le monde entier. Ces mesures permettront d’orienter la production en fonction des besoins sanitaires locaux. Elles rendront la population moins dépendante de la recherche de profits des entreprises pharmaceutiques occidentales. Ce qui n’est, après tout, pas une mince affaire en situation de pandémie.

L’initiative citoyenne européenne Pas de Profit sur la Pandémie vise à recueillir un million de signatures dans toute l’Europe pour obliger la Commission européenne à agir et à mettre le vaccin corona entre les mains du public. Vous pouvez signer l’initiative ici : https://noprofitonpandemic.eu/fr/

Signataires:

  • Wim De Ceukelaire, Viva Salud
  • Jean Hermesse, Plate-forme d’action Santé & Solidarité
  • Yves Hellendorf, CNE non-marchand
  • Bart Verstraeten, WSM
  • Elies Van Belle, Memisa
  • Stefaan Bonte, Médecins sans Vacances
  • Elisabeth Degryse, Mutualité Chrétienne
  • Ariane Estenne, Mouvement Ouvrier Chrétien
  • Karim Zahidi, Masereelfonds
  • Koen Meesters, ACV
  • Koen De Maeseneir, VWGC
  • Filip De Bodt, Climaxi vzw
  • Michel Vanhoorne, FGE
  • Mario Franssen, ManiFiesta
  • Nina Henkens, Kif Kif vzw
  • Anne Delespaul, Médecine pour le Peuple, Initiative Citoyenne européenne Pas de Profit sur la Pandémie
  • Hélène Debaisieux, Quinoa
  • Marijke Persoone, Tout Autre Chose
  • Christine Mahy, Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté
  • Yahyâ Hachem Samii, Ligue Bruxelloise pour la Santé Mentale
  • Céline Nieuwenhuys, Fédération des Services Sociaux
  • François Perl, Solidaris
  • Nathalie Lionnet, SETCa
  • Beweging.net