Dr Joshua (Philippines) : “Notre gouvernement fait de la pandémie une question militaire plutôt que sanitaire.”

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Cette année encore, Viva Salud et ses partenaires en Palestine, à Cuba, aux Philippines et au Congo mènent une campagne en faveur d’un partage mondial du vaccin anti-corona. Dans de nombreux pays européens, la campagne de vaccination tourne à plein régime alors que dans la plupart des autres pays, elle peine à se mettre en route. Nous avons demandé au docteur Joshua San Pedro et à Kat Berza, de notre organisation partenaire Council for Health and Development (CHD), comment cela se passe aux Philippines et à quels défis ils sont confrontés.

Quels sont les chiffres de la contamination par le coronavirus aux Philippines ?

Dr. Joshua : “Selon les chiffres officiels, il y a à ce jour (le 17 août), 1.750.000 cas de contamination. Nous savons que c’est une sous-estimation et que, en réalité, il faut multiplier ces chiffres par deux. En 2020, la Covid-19 a été le septième facteur de mortalité. Les chiffres officiels montrent une nouvelle hausse du nombre de personnes contaminées.”

Fait-on régulièrement des tests corona aux Philippines ?

Dr. Joshua : “Il y a des centres de test dans 31 des cent et quelques provinces, dont 54% sont aux mains du secteur privé. Tant dans les centres privés que publics, les tests sont souvent plus chers que ce que l’assurance santé peut rembourser. A cause de cela, les gens hésitent à se faire tester.”

Kat: “Les familles doivent parfois faire des choix difficiles. Par exemple, une famille dont le père était décédé du coronavirus ne pouvait se permettre qu’un seul test pour savoir qui d’autre dans la famille était contaminé.”

Quelles mesures le gouvernement prend-il pour endiguer la propagation du virus ?

Dr. Joshua Philippines

Dr. Joshua : “Le gouvernement prend des mesures très étranges. Aux Philippines, le port d’un masque ou d’un écran devant le visage est obligatoire. Tout le monde doit en acheter. Il est également obligatoire de respecter une distance de 1 à 2 mètres et de présenter un certificat de mariage si on roule à deux sur un scooter. Le contrôle se fait de manière militaire : on reçoit une amende si on est pris sans porter de masque ou d’écran. Des représentants des autorités viennent même mesurer la distance entre les gens. Dans la province de Cebu, les travailleurs et travailleuses doivent porter un purificateur d’air dans les transports publics, alors que rien n’en prouve l’efficacité. Il pourrait même être nocif.”

Kat: “C’est triste. Ce sont les citoyen·ne·s qui doivent porter la responsabilité, alors que beaucoup ne peuvent pas se permettre de respecter toutes les mesures.”

Dr. Joshua: “Le gouvernement ne cesse de répéter que c’est à cause de ceux et celles qui ne suivent pas les règles que la pandémie n’est pas endiguée. Des enquêtes montrent que 70% de la population des Philippines est persuadée qu’il en est ainsi. Alors que la gestion de la crise par le gouvernement est si lamentable. Le matériel de protection obligatoire est cher, les gens doivent prendre soin de leur famille et il n’existe aucun revenu de remplacement pour celles et ceux qui ne peuvent pas aller au travail. Pour beaucoup, il n’y a tout simplement pas le choix. Or, la population encourt même des peines de prison si elle ne respecte pas les règles. A cause de cela, la confiance dans le gouvernement est faible et certain·e·s croient même que la pandémie est orchestrée pour faire entrer de l’argent dans les caisses de l’état.”

Quel est le taux de vaccination aux Philippines ?

Dr. Joshua : “A ce jour (le 17 août), 11% de la population a été vaccinée. Nous sommes donc très loin de l’immunité de groupe. Notre objectif, qui était un taux de vaccination de 70% de la population totale pour la fin de l’année, a été récemment réduit à 70% de la population dans les principaux territoires urbains. Aux Philippines, on a choisi de vacciner en premier les personnes qui font tourner l’économie, avant les personnes les plus fragiles. Le président, ses agents de sécurité et les différents représentant·e·s des autorités ont déjà reçu un vaccin « non officiel » en décembre de l’année dernière. Il est question aujourd’hui pour ces personnes d’une troisième dose, alors que la majorité de la population n’en a même pas encore reçu une seule. Un·e membre de la population lambda aurait déjà reçu une amende et risquerait même une peine de prison pour cela. Les vaccins sont livrés de façon erratique, ce qui fait que certaines personnes ne reçoivent pas leur deuxième dose dans les délais prescrits. Et il s’agit bien sûr aussi d’un petit jeu politique : des marchés sont conclus pour des dons venant des USA et de Chine.”

Quel rôle joue le CHD dans la stratégie de vaccination aux Philippines ?

Kat: “Nous essayons de faire comprendre à la population que la gestion de la pandémie relève de la responsabilité du gouvernement. Nous nous efforçons par ailleurs d’informer les gens sur le virus et les vaccins, étant donné que les habitants et habitantes des régions éloignées n’ont souvent aucun accès à des informations correctes.”

Dr. Joshua: “Nous plaidons pour une approche holistique : on a besoin, non seulement de vaccination, mais également de tests à grande échelle, d’un meilleur suivi des contacts, d’un revenu de remplacement pendant la quarantaine et d’un renforcement de notre système de santé. Nous demandons également à notre gouvernement de soutenir l’annulation du droit de propriété parce que nous sommes capables de produire nous-mêmes nos vaccins si les brevets sur les vaccins sont levés ou si davantage de pays proposent d’en produire pour nous. C’est pour cela que nous faisons campagne. Nous nous heurtons bien sûr à une forte opposition : on nous répond souvent qu’il n’y a pas d’argent alors que nous savons bien que c’est un problème de corruption et de fonds non utilisés. Pour notre gouvernement, la pandémie est une affaire militaire et non sanitaire.”

Signez l’initiative citoyenne européenne Pas de profit sur la Pandémie et demandez à la Commission européenne de lever les brevets sur les vaccins contre le coronavirus.

Vous voulez investir dans la formation des travailleuses et travailleurs en santé communautaire aux Philippines ? Vous pouvez le faire en effectuant un don sur le compte BE15 0010 4517 8030 avec la mention “Don Philippines”.

Cette interview date du 17 août. Retrouvez les chiffres actualisés sur le site de l’OMS.